mardi 21 février 2017

Grüne Woche 2017


Pour l'information de tous, notre trésorier nous propose cet article de M. Philippe Jachnik, daté du 24 janvier 2017. M. Jachnik est consultant international en économie et politique laitière et conseiller du Directeur général du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière. Son article nous présente un compte rendu de la Grüne Woche 2017.

Créée en 1926, il y a 91 ans, la Semaine Verte en est à sa 82ème édition, années de guerre obligent. Cette édition 2017 est parrainée non seulement par les Ministères fédéraux de l’Agriculture et de l’Alimentation d’une part, de l’Environnement d’autre part - comme ce fut le cas ces dernières années - mais également par un troisième, celui du Développement et de la Coopération Economique. Les Pouvoirs Publics allemands, par la voix de plusieurs Ministres et Hauts Responsables, se sont en effet servis de cette occasion pour expliquer, une nouvelle fois, que le développement des pays pauvres et émergents et, partant, la « fixation sur place des populations pouvant avoir vocation aux migrations sauvages et risquées » passe d’abord par le développement de l’agriculture et de la ruralité. (NDLR : et avec plus d’un million de réfugiés accueillis durant la seule année 2016 l’Allemagne « sait de quoi elle parle » !) 
Pour sa part le Commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, a, lors de son intervention, expliqué que l’on attendra des producteurs agricoles, dans le cadre du financement de la PAC post-2020 « qu’ils fassent plus pour l’eau, les sols et l’air »… Le thème général retenu cette année - en marge des réunions agricoles du G-20 et de celles de la FAO, dans le cadre desquelles « on finira bien par se demander à qui appartient l’eau » entendait-on à Berlin - pour les Séminaires, Symposia, Ateliers du « Davos de l’Agriculture » qu’est la Semaine Verte fut : « Agriculture et eau : la clef de l’alimentation de la population mondiale ». L’agriculture est réputée consommer 70% de l’eau disponible dans le monde. 
Cette édition 2017 de cette Semaine Verte, dont le pays hôte fut la Hongrie, a réuni 1650 exposants de 65 pays. A ce stade le nombre de visiteurs n’est pas encore connu mais lors de l’édition de janvier 2016 la fréquentation fut de l’ordre de 400.000 visiteurs.
Pré-vendue - depuis l’automne dernier - en tant que vedette américaine de cette édition 2017 de la Grüne Woche, la problématique « bien-être animal » a plutôt fait, au moins dans la forme, un « pschitt » en ouverture de celle-ci. (NDLR : les plus anciens d’entre nous se souviendront de ce vocable chiraquien, non ?)  
Le Ministre fédéral de l’Agriculture, Christian Schmidt (CSU) a, lors d’une Conférence de Presse inaugurale, dévoilé le logo hexagonal étoilé et incluant les couleurs du drapeau allemand « MEHR TIERWOHL » (NDLR : « PLUS DE BIEN-ETRE ANIMAL ») que les Pouvoirs Publics mettront à la disposition des opérateurs pour apposition sur les emballages consommateurs « au plus tôt en 2018 pour ceux du secteur de la viande porcine », puis pour ceux de la volaille, de la viande bovine, « voire pour les produits laitiers ». Le Ministre avait pris soin de convier à cette présentation Joachim Ruckwied le Président du DBV, Thomas Schröder, le Président de la Fondation « Tierschutzbund », organisations associées tant bien que mal avec un certain nombre d’enseignes de la Distribution dans le cadre de « Initiative Tierwohl ». Et, pour faire bonne figure, le Président de la Confédération des Organisations de Consommateurs, Klaus Müller, était également de la partie. Tous ont entendu que ce logo disposant de l’aval des Pouvoirs Publics n’a pas vocation à être l’emblème d’une niche de marché mais a vocation à peser au moins 20% de l’offre au sein des segments où il sera présent. Une fois le logo présenté, le public convié à l’évènement est resté sur sa faim car pour les détails (critères précis d’obtention du Label - deux niveaux sont prévus : niveau de base / niveau premium - et modalités du fonctionnement opérationnel du dispositif) il faudra attendre « Pâques 2017 » pour prendre connaissance des propositions/décisions du Ministère fédéral. Non sans humour, Christian Schmidt a indiqué que ce calendrier permettra de préparer les textes législatifs nécessaires avant les élections générales de septembre prochain… mais que c’est son successeur qui aura le privilège de lancer concrètement le dispositif. Réactions variées depuis, en particulier de la part des responsables écolos (NDLR : die Grünen) sur le thème « il faut quand même oser dire des choses pareilles… ». En attendant, 70 millions € auraient déjà été « mis de côté » pour une Campagne de promotion grand public… ce qui est très loin des sommes qui avaient été initialement évoquées. Le Groupe d’experts mandaté par le Ministre avait parlé d’un investissement annuel de 3 à 5 milliards € (pour l’ensemble, mesures concrètes dans les étables + communication) auquel devrait contribuer une augmentation de 3 à 6% des prix consommateurs.

On parle donc ces temps-ci en Allemagne, d’une part, de « Initiative Tierschutz » (Tierschutzbund-Enseignes de la Distribution, avec un « parrainage » DBV-DRV-organisations sectorielles du porc et de la volaille) déjà plus ou moins à l’œuvre (modestement !) et, d’autre part, de « Tierwohllabel », le Projet du Ministère qui reste, lui, à mettre en œuvre. 
Le Président du DBV et celui du Tierschutzbund ont pris soin d’expliquer avec force que le second projet (celui des Pouvoirs Publics) doit impérativement venir en complément du premier (NDLR : aux maigres résultats concrets jusqu’à présent !) et ont demandé au Ministre de « vendre l’approche à Bruxelles »… ce que celui-ci s’est engagé à faire. (NDLR : … au nom de son successeur !) 
Les Enseignes de la Distribution, invitées, n’ont pas assisté à cette Conférence de Presse. 
Il est important de rappeler que le dispositif « Initiative Tierschutz » (créé en 2015 et qui est réputé couvrir, en ce début 2017, 3200 exploitations pesant 12 millions de porcs et 237 millions de volailles) est promu via les Enseignes réputées y participer (et le financer !) alors que le « Tierwohllabel » qui sera promu par les Pouvoirs Publics a vocation à être apposé sur les emballages des produits afin d’aider le consommateur dans ses choix. Nuance ! Les Enseignes de la Distribution qui participent à « Initiative Tierschutz » (Aldi Nord, Aldi Süd, Edeka, Kaufland, Lidl, Netto, Penny, Real - pour l’instant engagé seulement jusqu’à fin 2017- Rewe, Wasgau) se sont engagées à verser à l’ «Initiative » 4 cents / kilo de viande (porc & volaille) et de charcuterie vendu, montant réputé passer à 6,25 cents au 01.01.2018. Le dispositif est, à ce stade, pérennisé jusqu’à fin 2020 et il est estimé que d’ici-là plus de 130 millions € auront été distribués aux éleveurs qui se seront engagés en matière d’amélioration du bien-être animal sur la base des critères définis dans le cadre de l’ « Initiative » (et dont la mise en œuvre actuellement contrôlée une fois par an sans préavis le sera bientôt deux fois par an). 
Et comme si ce n’était déjà pas déjà assez compliqué comme cela, le Tierschutzbund, apparemment pour occuper le terrain dans l’actuelle période de latence et d’incertitudes, lance (et ce fut confirmé par son Président Thomas Schröder à Berlin ces jours-ci) une démarche spécifique aux vaches laitières (cahier des charges de 23 pages assorti d’un logo). Lidl en Bavière et Aldi dans le Baden Württemberg - on parle aussi d’Edeka - sont sur les rangs… avec +/- 150 exploitations laitières dont les 2 collecteurs - Gropper & Bechtel-Naabtaler Milchwerke - collecteraient le lait de ces exploitations séparément. Comme c’est déjà le cas pour le lait bio, le lait sans OGM, le Heumilch (NDLR : lait de foin), le Weidemilch (NDLR : lait de pâturages…), etc. Bechtel & Lidl faisaient stand commun dans le Hall de la Bavière à Berlin ces jours-ci. Les deux entreprises laitières en question ne sont actives, jusqu’à présent, que via des marques distributeurs (ou presque…) et segmentent donc au mieux leur marché à elles, à leur niveau ! Mais à leur niveau seulement… alors que d’autres parlent d’immenses dégâts collatéraux à venir.
Dernière nouveauté mentionnée à Berlin : le distributeur Real aurait, lui, le projet de commercialiser un lait garanti en provenance de vaches non-entravées… 
Une problématique dont on n’a donc pas fini de parler… et face à laquelle les promoteurs du véganisme (NDLR : très nettement plus présents et dynamiques en Allemagne qu’en France, comme déjà souligné dans ma Synthèse de l’édition 2016 de cette manifestation) ne manquent pas de se réjouir ouvertement compte tenu de la cacophonie qui décrédibilise l’argumentation de ceux qui « continuent de promouvoir la consommation des produits carnés et laitiers ». 
Et, en marge de tout cela, comme les années précédentes (en fait depuis 7 ans !) une centaine d’organisations et d’associations ont fait défiler bruyamment des milliers de personnes (5000 selon la police / 20000 selon les organisateurs), précédés d’une bonne centaine de tracteurs, dans le centre de Berlin contre « l’agriculture industrielle et ses fournisseurs, les grands groupes de l’agro-alimentaire et la malbouffe - le moins vocal n’étant pas Slowfood, bien représenté en Allemagne. Et un millier de contre-manifestants (500 selon la police) venus du « monde agricole conventionnel » expliquant, du côté de la Gare Centrale, que les autres manifestants feraient mieux de venir parler « avec les agriculteurs » plutôt que de « parler des agriculteurs ». Comme l’an passé. Et l’année d’avant…
 
QUE RETENIR DES TROIS RENDEZ-VOUS LAITIERS ? 
 
CELUI DU DBV (Deutscher Bauernverband) le 23.01.2017 
Le DBV, Syndicat majoritaire des exploitants agricoles allemands avait, cette année, intitulé son Séminaire Laitier « Politique et producteurs de lait : proche de la pratique ou éloignée des réalités ?». Furent ainsi « interviewés » chaque fois avec débat : 
-        Albert Dess, Membre du Parlement européen
-        Peter Lüschow, Vice-Président du DBV du land Schleswig-Holstein
-        Wilhelm Priesmeier, député allemand, porte-parole agricole du SPD
-        Jan Heusmann, Président Lait du Land de Niedersachsen
-        Peter Hettlich, Ministère de l’Environnement du Land de Nordrhein-Westfalen
-        Günther Felssner, Vice-Président du DBV du Land Bayern
-        Alois Gerig, Député, Président de la Commission Alimentation & Agriculture
-        Klaus Fontaine, Président du DBV du Land de Saar. 
Dans son allocution d’ouverture, Joachim Rukwied, Président du DBV s’est réjoui de ce que cette année, contrairement aux précédentes, c’est plutôt une ambiance de dialogue que de confrontation qui prévaut. Ceci s’expliquerait essentiellement par le fait que le monde de la production agricole est à présent, via de vigoureux exercices de communication interne et externe qu’il n’avait jamais entrepris auparavant, perçu comme force active de changement et non plus comme un obstacle au changement. Et le DBV en atteste : les agriculteurs allemands vont participer au changement, à condition d’une part que des périodes suffisamment longues d’adaptation soient prévues et que, d’autre part, le changement ne mette pas à mal la structure familiale des exploitations agricoles allemandes. Il a conclu que les changements en cours et ceux à venir rendent nécessaires le recours à des capitaux extérieurs… dont le financement doit évidemment être assuré par les consommateurs au travers des prix qu’ils paient pour leurs produits alimentaires.
 
Que retenir des « interviews » et du débat ?
-      l’avenir du secteur passe avant tout par une rénovation des relations contractuelles entre producteurs-entrepreneurs laitiers et leur(s) transformateur(s) : en fait c’est essentiellement une nouvelle approche de la relation producteur sociétaire / laiterie coopérative qui est à l’ordre du jour.
-        les entrepreneurs-producteurs doivent d’urgence être « accompagnés » dans leur découverte (ou quasi-découverte) de ce qu’est la gestion des risques liés aux marchés, la première d’entre elles concernant la volatilité des prix en général, des prix du lait à la production en particulier
-        les contrats devront, dans leurs structures et dans leurs modalités de mise en œuvre, être diversifiés pour coller au mieux aux situations diverses des exploitations (et pas seulement en matière de capacité potentielle de résistance à la volatilité des prix du lait à la production !)
-        la période actuelle de « mieux-être » en matière de prix du lait à la production doit absolument être mise en œuvre pour « travailler et préparer l’avenir ensemble sans pression indue », en particulier pour ce qu’auront à faire ensemble (alliances / fusions) les coopératives lorsque cela ira à nouveau moins bien…
-        l’exportation reste un impératif, y compris vis-à-vis de la puissance de la grande distribution allemande face à laquelle on attend toujours que les Pouvoirs Publics et l’Office des Cartels prennent des initiatives législatives et règlementaires.
-        si, comme le laisse malheureusement déjà entendre le discours général ambiant, le financement (amoindri de la non-contribution du Royaume-Uni) de la PAC post-2020 passe par une diminution du financement du 1er pilier et une augmentation de celui du 2ème pilier, il faudra veiller, dans le plus grand détail, à ce que les fonds de ce 2ème pilier aillent bien aux producteurs agricoles et non pas... à ceux qui en vivent à la périphérie (politiciens, ONG, organisations professionnelles, etc.)
-        il faut d’urgence et durablement restaurer une relation de confiance entre le monde de la production agricole (et tout particulièrement laitière) et la société : le monde de la production doit trouver les moyens de parler lui-même de lui… alors que jusqu’à présent il a, faute de volonté et, partant, de moyens, laissé d’autres le faire à sa place. D’autres qui, entre temps, ont évidemment développé « leurs propres Agendas » ! Il faut enfin parler ouvertement d’étables dans lesquelles « humains et animaux se sentent bien ».
-        le DBV reste, après l’expérience de 31 années de quotas laitiers (qui n’ont en rien diminué le taux historique de diminution du nombre d’exploitations laitières), plus opposé que jamais à une gestion quantitative de l’offre à laquelle seraient associés les Pouvoirs Publics, européens ou nationaux. (NDLR : et ceci alors qu’en même temps le BDM et son prolongement européen, l’EMB, réclamaient le contraire dans les rues de Bruxelles !) 
Dans sa conclusion du Séminaire, Karsten Schmal, Vice-Président du DBV (en charge du secteur laitier après y avoir pris la succession d’Udo Folgart), a souligné que le monde agricole allemand sait que les marchés doivent en permanence être pris en compte et que, historiquement, le monde agricole, voire coopératif, a surestimé ce que peuvent faire et, surtout, ce que peuvent pérenniser les Pouvoirs Publics. Sur le grand dossier du bien-être animal où d’autres que les éleveurs ont - du fait de la carence de ces derniers en matière de communication - occupés le terrain et y ont développé des Agendas propres, il est urgent et impératif de « reprendre le manche ». Les jeunes agriculteurs et ceux qui vont s’installer ne peuvent / ne pourront le faire sereinement si l’incompréhension actuelle persiste entre « monde agricole et société », en fait entre ceux qui prennent la parole au nom du monde agricole d’une part, au nom de la société d’autre part…
 
 
CEUX DU MIV (Milchindustrie-Verband) les 23 et 24.01.2017 
 
LE DÎNER DE GALA DU MIV (23.01.2017)  
 
C’est dans l’écrin du Römischer Hof (situé dans l’ex-Berlin Est où il connut ses heures de gloire) que le MIV avait, cette année, convié ses nombreux invités.  
Contrairement aux années précédentes où l’un ou l’autre orateur se servait de cette tribune pour faire passer l’un ou l’autre message, ce fut cette année une soirée 100% festive. Le président du MIV, Peter Stahl, CEO de Hochland, le Secrétaire d’Etat à l’Agriculture, Peter Bleser, et le patron du lait au DBV, Karsten Schmal, se sont contentés de souhaiter bonne chance au « pack laitier Allemagne » soulignant sa très bonne performance à l’exportation - nonobstant l’embargo russe - et, pour ce qui est du Président du MIV, de « l’enthousiasme des entreprises de la transformation » pour leurs produits dont la qualité et la diversité ne cessent d’augmenter…  
 
L'ATELIER DU MIV  (24.01.2017) 
 
Animée avec dynamisme par le Journaliste Agricole Anselm Richard, cette matinée (NDLR : en v.o. « Frühschoppen ») où, traditionnellement chacun s’exprime en toute liberté, ou bien comme a dit l’organisateur « où chacun vient dire ce qu’il a sur l’estomac » constitue un « happening » dont on ne voit pas dans quel périmètre il pourrait avoir lieu en France. Mais ici, tout le monde sait qu’une fois « craché le morceau » c’est la culture du consensus et non pas de la confrontation qui reprendra le dessus ! 
Pour « chauffer la salle » (plus de 230 participants) et préparer les vigoureux échanges le MIV avait invité les intervenants suivants :
 
 
 

-        Hermann Onko Aeikens, Secrétaire d’Etat, Ministère fédéral de l’Agriculture
-        Karsten Schmal, Vice-Président du DBV, en charge du lait
-        Sebastian Hess, Professeur, Université de Kiel
-        Winfried Meier, Directeur Général, Arla Foods Deutschland (NDLR : et ex-collaborateur du MIV).
Le thème était vaste cette année, puisqu’il s’agissait d’essayer d’imaginer ce qui va se passer, en 2017, dans le secteur laitier. Et, pour le débat, comme à l’IDF World Dairy Summit de Rotterdam en octobre dernier, les intervenants se voyaient expédier par l’orateur précédent le micro installé dans un gros cube de mousse, cette fois aux couleurs du MIV, ce qui suscita quelques applaudissements aux plus habiles des lanceurs !
Pour l’animateur-modérateur de l’Atelier, sur la ligne de départ, 2017 commence par : 
-        une confirmation de la lente remontée des prix du lait à la production (qui s’accompagne, en Allemagne, d’une « inquiétante » augmentation de la production de lait)
-        des initiatives sociétales plus ou moins émotionnelles - pilotées par la presse, les ONG, les politiciens - qui relèvent de la « politique des symboles » et qui devraient croître encore en cette année électorale (élections générales allemandes en septembre prochain), par exemple en matière de bien-être animal
-        la constatation que les puissantes grandes enseignes de la Distribution « s’en servent pour se différencier les unes des autres sur le dos des producteurs et des transformateurs réduits aux rôles d’accompagnateurs et de faire-valoir »
-        l’apprentissage des conséquences du Brexit
-        l’apprentissage des conséquences du résultat de la présidentielle américaine
-        le début du positionnement sur le financement à venir (diminué de la contribution du Royaume-Uni !) de la PAC d’après-2020 (les premières indications de Phil Hogan sont programmées pour la fin de l’année) : l’Allemagne est réputée vouloir faire privilégier les productions animales.
-        le lancinant problème de la gestion de la quantité produite pour rester dans l’épure « équilibre offre-demande », gestion dont les Pouvoirs Publics allemands ne cessent de marteler que c’est aux opérateurs économiques de s’en occuper…
 
Pour le Secrétaire d’Etat à l’Agriculture, Hermann Onko Aeikens, 30 cents au litre n’est pas tenable pour la majorité des producteurs de lait allemands : il est donc « très inquiet » de voir actuellement, en Allemagne, les livraisons augmenter aussi vite qu’elles avaient diminué l’automne dernier. La crise de 2016 est intervenue à un moment ou les budgets de Bruxelles et de Berlin ont permis d’injecter 500 millions € de fonds publics dans la « Laiterie Allemagne » : ne pas oublier que lors de la prochaine crise, l’état des caisses publiques et/ou la volonté politique alors dominante feront qu’il en ira tout à fait différemment, à la baisse, bien sûr … Pour lui, l’an passé « les laiteries s’en sont mieux sorties que les producteurs » (NDLR : bruits de salle…) et, dans certains Länder, les relations sont à présent tendues entre les deux maillons de la chaîne. Pour le Ministère le chantier prioritaire à gérer par les professionnels du secteur est de revisiter, sans a priori et avec pour perspective de l’adapter au monde moderne et d’en prévoir des modalités différenciées pour « coller » aux différents types de producteurs, le contrat liant producteurs et transformateurs, le formalisme étant plus grand lorsque le transformateur est coopératif. L’obligation de collecter tout le lait produit n’est absolument plus jouable aujourd’hui avec ceux des producteurs qui augmentent année après année leur production dans d’importantes proportions, sauf à lier prix payé et quantité collectée dans le contrat. Et de préciser que cela ne peut se faire qu’entreprise par entreprise et en prenant soin, au sein de chaque entreprise à ne pas faire passer tous les producteurs sous la même toise » (NDLR : re-bruits de salle…). Et de regretter qu’à bien des égards le sujet reste largement « tabou ». Si les opérateurs du secteur laitier n’avancent pas rapidement dans ce domaine, il ressort des débats des deux dernières Conférences des Ministres de l’Agriculture des Länder que certains pourraient imposer par voie réglementaire une « dynamisation des relations contractuelles dans le secteur laitier ».
Répondant à plusieurs questions sur les pressions exercées par le Ministère pour créer une Interprofession laitière en Allemagne, il a expliqué qu’on y a maintenant compris que les professionnels ne sont pas enthousiastes. Ce que l’on y regrette, ne serait-ce que pour pouvoir, comme certains Etats-membres voisins, « pomper dans les fonds UE disponibles ».
Pour le Professeur Sebastian Hess de l’Université de Kiel il va falloir, compte tenu de l’expérience de la crise de 2016, se concentrer sur les priorités et les moyens d’être efficaces en cas de crise en 2017 ou 2018 : il y faut ni plus ni moins que de nouvelles stratégies ! Alors que le secteur donne l’impression d’être inerte. 
Pour Winfried Meier, le patron d’Arla-Deutschland, le monde de la transformation laitière allemande aurait besoin, pour s’adapter au monde d’aujourd’hui, d’une sérieuse restructuration car le déséquilibre y est vraiment beaucoup trop grand, au niveau de la commercialisation des produits laitiers, en termes de rapport de forces avec les quelques enseignes qui dominent la distribution. Ce qui n’enlève rien aux chances de succès des petites et moyennes entreprises laitières… à condition que celles-ci continuent de mettre en œuvre les facteurs-clefs de réussite lorsqu’on boxe dans cette catégorie-là, ce qui n’est apparemment pas à la portée de tout le monde. Le focus de la politique et de ceux qui la pratiquent doit être d’aider producteurs et transformateurs à être compétitifs. Et il y a beaucoup à faire en la matière ! Arla (dont le plus important marché mais aussi avec d’importantes implantations industrielles et une importante collecte de lait matière première est le Royaume-Uni) s’inquiète du retour du protectionnisme, en France par exemple. Répondant à des questions, il a précisé qu’Arla paie un prix du lait identique dans les 7 Etats-membres où il a des producteurs-sociétaires et qu’il va falloir adapter cela pour le Royaume-Uni dans le cadre du Brexit (90% des producteurs de Milklink repris par Arla en 2012 ont, entre temps, choisi de devenir sociétaires d’Arla !). 
Pour le Président Lait du DBV, Karsten Schmal, les dirigeants des coopératives « sont trop loin des producteurs » et « les coopératives sont trop loin les unes des autres ». Il constate des différences de prix de 7 cents au niveau des prix payés par les laiteries à leurs producteurs et des différences de 10 cents entre les coûts de production entre producteurs ! Pour lui, l’Allemagne laitière doit se prendre en main : il constate qu’en France « on » (« transformateur » et, pas loin, administration publique) dit plus ou moins au producteur ce qu’il peut produire (NDLR : il a cité Alsace-Lait) et qu’aux Pays-Bas le groupe coopératif Friesland-Campina met au point des contrats qui feront que pour certaines quantités de lait produites en plus, le producteur ne touchera que 10% du prix) : les coopératives et producteurs allemands doivent cesser d’être « tétanisés » par le sujet. 
Quelques points supplémentaires relevés au cours du débat :
 
-        Karsten Schmal constate qu’à Bruxelles le Brexit est déjà à l’œuvre : au COPA le Président-Lait britannique vient d’être remplacé par le français Thierry Roquefeuil et la Vice-Présidence est allée à « une Polonaise de 63 ans » : « le protectionnisme dont nous ne voulons pas gagne du terrain maintenant que le libéral Royaume-Uni est en partance… »
-        Le label public de bien-être animal est un « cadeau » des Pouvoirs Publics au secteur des productions animales pour l’aider à draîner quelques cents / kilos du marché vers le secteur, en aucun cas une obligation. Le Secrétaire d’Etat à l’Agriculture a rappelé que toutes les études menées sur le sujet aboutissent à la même conclusion : à savoir que les labels de différenciation sont plus crédibles auprès des consommateurs lorsqu’ils sont avalisés par les Pouvoirs Publics. Que cela plaise ou non aux ONG et aux distributeurs qui en font « un business ».
-        En réponse à une question concernant les prix du lait « d’avant », le Professeur de l’Université de Kiel a rappelé que ce n’étaient pas les quotas qui maintenaient les prix à un certain niveau, mais l’intervention, les restitutions à l’exportation et un certain nombre d’autres dispositifs de gestion des marchés.
-        Une étude du Ministère de l’Agriculture fédéral prouve que « toutes choses étant égales par ailleurs », le monde de la production perd au profit d’autres 30% du montant des aides lorsqu’on passe du 1er au 2ème pilier de la PAC.
-        Karsten Schmal ayant expliqué que s’ils avaient su comment faire lui et son fils auraient bien contracté 30% de leur lait à 35 cents sur 2017, plusieurs intervenants ont expliqué que les laiteries, en particulier coopératives, doivent faire plus de pédagogie - avec recours à des experts extérieurs si nécessaire - vis-à-vis des producteurs dans ce domaine. Arla a dit « y réfléchir ». En Allemagne le Groupe privé Frischli et le Groupe coopératif Ammerland ont déjà pris des initiatives dans ce domaine. Ammerland accompagne ainsi administrativement (et il y a du travail !) 25 producteurs dans ce domaine. Ceci étant, son Directeur Général appelle à ne pas surestimer l’apport de cette démarche : le prix du lait se fait et continuera de se faire sur les marchés. Simplement pour une partie de son lait le producteur de lait peut faire prendre le risque par un spéculateur au lieu de l’assumer lui-même. Sachant qu’on n’est évidemment pas gagnant (au moins au maximum !) à tous les coups…
-        Un représentant du DBV ayant demandé au Professeur de l’Université de Kiel ce qu’il serait efficace à long terme de faire si, lors de la prochaine crise, 150 millions € étaient à nouveau disponibles, ce dernier a expliqué « du conseil entrepreneurial et de gestion » concluant : « ce n’est pas avant tout le niveau absolu de prix qui accélère les restructurations mais la différence entre les rentabilités des différentes exploitations » !





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